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Je sais ce que j’ai mémorisé. Je sais ce qui est désormais répété par les autres Avènementistes.

 

Description : 069

 

— Le Héros des Siècles ne doit pas être terrisien, déclara Tindwyl, griffonnant tout en bas de leur liste.

— Nous le savions déjà, répondit Sazed. Par le journal.

— Oui, mais le récit d’Alendi n’était qu’une allusion – une référence indirecte aux effets d’une prophétie. J’ai trouvé quelqu’un qui cite la prophétie elle-même.

— Vraiment ? s’exclama Sazed, surexcité. Où ça ?

— Dans la biographie de Helenntion, répondit Tindwyl. L’un des derniers survivants du Conseil de Khlennium.

— Vous voulez bien me l’écrire ? demanda Sazed, rapprochant sa chaise de la sienne.

Il dut cligner plusieurs fois des yeux tandis qu’elle écrivait, les pensées momentanément brouillées par la fatigue.

Sois vigilant ! s’ordonna-t-il. Il ne reste pas beaucoup de temps. Très peu, même…

Tindwyl résistait un peu mieux, mais sa réserve d’éveil devait manifestement s’épuiser, car elle commençait à s’affaisser. Il avait fait un bref somme au cours de la nuit, étendu à terre, mais elle avait continué. Pour autant qu’il le sache, elle veillait depuis plus d’une semaine d’affilée.

Il était beaucoup question du Rabzeen, à l’époque, écrivit Tindwyl. Certains affirmaient qu’il viendrait affronter le Conquérant. D’autres qu’il était lui-même le Conquérant. Helenntion ne me fit jamais part de son opinion. On dit que le Rabzeen est « Celui qui n’est point de son peuple, mais accomplit néanmoins tous ses désirs ». Si tel est le cas, alors peut-être s’agit-il bien du Conquérant. On raconte qu’il était de Khlennium.

Elle s’arrêta là. Sazed, songeur, relut le passage. Le dernier témoignage de Kwaan – le décalque que Sazed avait tracé au Prieuré de Seran – s’était révélé utile de bien des façons. Il leur avait fourni une clé.

Il s’écoula des années avant que je me persuade qu’il était le Héros des Siècles, avait écrit Kwaan. Le Héros des Siècles, celui qu’on nommait le Rabzeen à Khlennium, l’Anamnesor…

Le décalque était un outil de traduction – non pas entre des langues, mais entre des synonymes. Il était logique que le Héros des Siècles possède d’autres noms ; une figure si importante, à ce point entourée de légendes, devait posséder plusieurs titres. Et pourtant, on avait perdu tant de choses de cette époque. Le Rabzeen comme l’Anamnesor étaient deux figures mythologiques que Sazed connaissait vaguement – mais elles n’étaient que deux parmi des myriades. Jusqu’à la découverte du décalque, il n’existait aucun moyen de relier leurs noms au Héros des Siècles.

À présent, Tindwyl et lui pouvaient fouiller leurs cerveaux métalliques les yeux ouverts. Peut-être, par le passé, Sazed avait-il lu ce passage précis de la biographie de Helenntion ; il avait au minimum parcouru une grande partie des récits plus anciens en quête de références religieuses. Pourtant, il n’aurait jamais compris que ce passage faisait référence au Héros des Siècles, une figure de la mythologie terrisienne que le peuple khlenni avait renommé dans sa propre langue.

— Oui…, dit-il lentement. C’est bien, Tindwyl. Très bien.

Il tendit la main pour la poser sur la sienne.

— C’est possible, répondit-elle, mais ça ne nous apprend rien de nouveau.

— Ah, mais peut-être la formulation est-elle importante, proposa Sazed. Les religions se montrent souvent extrêmement minutieuses dans leurs écrits.

— Surtout les prophéties, ajouta Tindwyl, fronçant légèrement les sourcils.

Elle n’appréciait guère tout ce qui ressemblait de près ou de loin à de la superstition ou de la divination.

— J’aurais cru, observa Sazed, que vous auriez renoncé à ce préjugé, compte tenu de notre entreprise actuelle.

— Je rassemble des informations, Sazed, répondit-elle. Pour ce qu’elles nous apprennent sur les peuples, et pour ce que le passé peut nous enseigner. Cependant, il y a une raison si j’ai choisi d’étudier l’histoire plutôt que la théologie. Je désapprouve la perpétuation des mensonges.

— C’est ce que vous croyez que je fais quand j’enseigne les religions ? demanda-t-il, amusé.

Tindwyl le regarda.

— Un peu, avoua-t-elle. Comment pouvez-vous enseigner aux gens de se tourner vers les dieux du passé, Sazed ? Ces religions n’ont guère aidé leurs peuples, et leurs prophéties ne sont plus que poussière.

— Les religions sont l’expression d’un espoir, répondit Sazed. Et l’espoir donne force au peuple.

— Alors vous ne croyez pas ? demanda Tindwyl. Vous vous contentez de donner au peuple un objet de croyance, pour qu’il se berce d’illusions ?

— Je ne le définirais pas ainsi.

— Alors vous pensez réellement que les dieux de vos enseignements existent ?

— Je… j’estime qu’ils méritent qu’on s’en souvienne.

— Et leurs prophéties ? interrogea Tindwyl. Je vois dans notre entreprise une valeur en terme d’érudition : le fait de révéler des faits passés peut nous fournir des informations quant à nos problèmes actuels. Mais la divination d’événements futurs est fondamentalement inepte.

— Je ne dirais pas ça, répondit Sazed. Les religions sont des promesses – des promesses qu’il existe quelque chose qui veille sur nous et guide nos pas. Les prophéties, par conséquent, sont des extensions naturelles des espoirs et désirs du peuple. Elles n’ont rien d’inepties.

— Donc, l’intérêt que vous leur portez est purement intellectuel ?

— Je ne dirais pas ça.

Tindwyl l’étudia, sonda son regard. Elle fronça lentement les sourcils.

— Vous y croyez, n’est-ce pas ? insista-t-elle. Vous croyez que cette fille est le Héros des Siècles.

— Je n’ai pas encore pris ma décision.

— Comment pouvez-vous même envisager une chose pareille, Sazed ? demanda Tindwyl. Vous ne comprenez donc pas ? L’espoir est une bonne chose – une chose formidable – mais il faut le concentrer sur un objet adéquat. Si vous perpétuez les rêves du passé, vous étouffez vos propres rêves d’avenir.

— Et si les rêves du passé méritent qu’on s’en souvienne ?

Tindwyl secoua la tête.

— Réfléchissez, Sazed. Quelle est la probabilité que nous nous retrouvions là où nous sommes, en train d’étudier ce décalque, sous le même toit que le Héros des Siècles ?

— En matière de prédictions, les probabilités n’entrent pas en ligne de compte.

Tindwyl ferma les yeux.

— Sazed… Je crois que la religion est une bonne chose, et la croyance aussi, mais il est stupide de chercher conseil dans quelques phrases obscures. Regardez ce qui s’est passé la dernière fois que quelqu’un a cru avoir trouvé ce Héros. Nous y avons gagné le Seigneur Maître et l’Empire Ultime.

— Malgré tout, je continue à espérer. Si vous ne croyez pas aux prophéties, pourquoi déployer tant d’efforts pour découvrir des informations sur l’Insondable et le Héros ?

— C’est très simple, répondit Tindwyl. De toute évidence, nous affrontons un danger qui s’est déjà présenté – un problème récurrent, comme un fléau qui meurt de lui-même pour réapparaître des siècles plus tard. Les peuples anciens étaient au courant de ce danger et possédaient des informations à ce sujet. Ces informations, naturellement, se sont morcelées pour devenir des légendes, des prophéties, et même des religions. Le passé, dans ce cas, doit receler des indices quant à notre situation. Ce n’est pas une question de prédictions, mais de recherches.

Sazed posa la main sur la sienne.

— Je crois qu’il s’agit peut-être là d’un sujet sur lequel nous ne pouvons tomber d’accord. Venez, reprenons notre travail. Nous devons employer au mieux le temps qui nous reste.

— Il devrait suffire, répondit Tindwyl avec un soupir, levant la main pour replacer une mèche dans son chignon. Il semblerait que votre Héros ait fait fuir lord Cett hier soir. La domestique qui nous a apporté le petit déjeuner en parlait.

— Je suis au courant.

— Dans ce cas, la situation s’améliore à Luthadel.

— Oui, dit Sazed. Peut-être.

Elle fronça les sourcils.

— Vous paraissez hésitant.

— Je ne sais pas, répondit-il en baissant les yeux. Je n’ai pas le sentiment que le départ de Cett soit une bonne nouvelle, Tindwyl. Quelque chose ne tourne vraiment pas rond. Nous devons en finir avec ces recherches.

Tindwyl inclina la tête.

— Dans quel délai ?

— Nous devrions tenter d’en finir ce soir, je crois, répondit Sazed avec un coup d’œil vers la pile de feuilles non reliées qu’ils avaient posée sur la table.

Cette pile contenait toutes les notes, les idées et les liens qu’ils avaient accumulés lors de leur marathon d’études. Elles formaient un livre, d’une certaine façon – un guide qui parlait du Héros des Siècles et de l’Insondable. C’était un document de grande valeur – d’une incroyable valeur, même, compte tenu du temps dont ils avaient disposé. Il était incomplet. Il devait toutefois s’agir du texte le plus important qu’ils aient jamais rédigé.

Même s’il n’était pas sûr de bien savoir pourquoi.

— Sazed ? interrogea Tindwyl, pensive. Qu’est-ce que c’est que ça ?

Elle tendit la main vers la pile de papiers pour en tirer une page légèrement de guingois. Alors qu’elle s’en emparait, Sazed constata, stupéfait, qu’un morceau du coin inférieur droit avait été arraché.

— C’est vous qui avez fait ça ? demanda-t-elle.

— Non, répondit Sazed.

Il lui prit la feuille. C’était l’une des transcriptions du décalque ; la déchirure en supprimait la dernière phrase. Aucune trace de la partie manquante.

Sazed leva les yeux vers une Tindwyl perplexe. Elle se retourna pour parcourir une pile de feuilles sur le côté. Elle en tira un autre exemplaire de la transcription.

Sazed se sentit frissonner. Il y manquait un coin.

— J’ai parcouru ceci hier, déclara Tindwyl. Je n’ai quitté la pièce que quelques minutes depuis, et vous êtes resté là tout ce temps.

— Êtes-vous partie la nuit dernière ? demanda Sazed. Pour vous rendre aux toilettes pendant que je dormais ?

— Peut-être, je ne m’en souviens pas.

Sazed demeura un moment assis à fixer la page. La déchirure était d’une forme étrangement similaire à celle de leur pile principale. Tindwyl, qui venait apparemment de tirer la même conclusion, la posa par-dessus sa jumelle. Elles correspondaient parfaitement ; même les plus petites dents de la déchirure étaient identiques. À supposer qu’on les ait déchirées alors qu’elles étaient posées l’une sur l’autre, la réplique n’aurait pas été aussi parfaite.

Tous deux restèrent immobiles à fixer la page. Puis ils s’animèrent brusquement, parcourant leurs piles de feuilles. Sazed possédait quatre copies de la transcription. Il manquait à toutes le même coin.

— Sazed…, commença Tindwyl, d’une voix légèrement tremblante.

Elle éleva une page – qui ne comportait que la moitié de la transcription, laquelle prenait fin vers son milieu. Un trou avait été creusé en plein cœur de la page, retirant précisément la même phrase.

— Le décalque ! s’exclama Tindwyl, mais Sazed l’avait précédée.

Il quitta son siège et se précipita vers le coffre où il rangeait ses cerveaux métalliques. Il retira la clé qu’il portait à son cou et déverrouilla le coffre. Il en souleva brusquement le couvercle et en retira le décalque qu’il posa délicatement par terre. Il en ôta soudain les doigts, presque comme s’il avait été mordu, et vit la déchirure tout en bas. La même phrase, effacée.

— Comment est-ce possible ? chuchota Tindwyl. Comment quelqu’un pouvait-il connaître si précisément nos travaux – et savoir tant de choses sur nous ?

— Et pourtant, répondit Sazed, comment pouvait-il connaître si peu nos capacités ? J’ai l’intégralité de la transcription enregistrée dans mon cerveau métallique. Je peux me la rappeler sur-le-champ.

— Que dit la phrase manquante ?

— « Alendi ne doit pas atteindre le Puits de l’Ascension ; il ne faut pas qu’il prenne le pouvoir pour lui-même. »

— Pourquoi effacer cette phrase ? demanda Tindwyl.

Sazed regarda fixement le décalque. Ça paraît impossible…

Un bruit retentit à la fenêtre. Sazed se retourna, puisant par réflexe dans son cerveau de potin pour accroître sa force. Ses muscles enflèrent, sa robe devint trop serrée.

Les volets s’ouvrirent d’un coup. Vin était accroupie sur l’appui de fenêtre. Elle s’arrêta en voyant Sazed et Tindwyl – laquelle avait manifestement aussi puisé un renfort de puissance, qui lui conférait une carrure quasi masculine.

— J’ai fait quelque chose de mal ? s’enquit Vin.

Sazed sourit et dégagea son cerveau de potin.

— Non, mon enfant, répondit-il. Vous nous avez simplement surpris.

Il croisa le regard de Tindwyl, qui se mit à rassembler les pages déchirées. Sazed replia le décalque ; ils en reparleraient plus tard.

— Avez-vous vu qui que ce soit passer trop de temps près de ma chambre, lady Vin ? demanda-t-il tout en replaçant le décalque dans le coffre. Des étrangers – ou même un garde en particulier ?

— Non, répondit Vin en pénétrant dans la pièce.

Elle se déplaçait pieds nus, comme toujours, et ne portait pas sa cape de brume ; elle le faisait rarement de jour. Si elle s’était battue la nuit précédente, elle avait changé de vêtements, car sa tenue ne comportait aucune trace de sang – ni même de sueur.

— Vous voulez que je guette les comportements suspects ? proposa-t-elle.

— Oui, s’il vous plaît, répondit Sazed en verrouillant le coffre. Nous craignons que quelqu’un ait parcouru nos travaux, quoique sa motivation nous échappe.

Vin hocha la tête et demeura sur place tandis que Sazed regagnait son siège. Elle l’étudia ainsi que Tindwyl quelques instants.

— Sazed, il faut que je vous parle, déclara Vin.

— Je dois pouvoir vous accorder quelques instants, je crois, répondit-il. Mais je dois vous avertir que mes recherches sont extrêmement urgentes.

Vin hocha la tête, puis regarda Tindwyl. Enfin, celle-ci se leva en soupirant.

— Dans ce cas, je crois que je vais aller m’occuper du déjeuner.

Vin se détendit légèrement lorsque la porte se referma ; puis elle se dirigea vers la table, s’assit sur le siège de Tindwyl et posa les jambes devant elle sur le siège de bois.

— Sazed, commença-t-elle, comment est-ce qu’on sait qu’on est amoureux ?

Sazed cligna des yeux.

— Je… je ne crois pas être en mesure de me prononcer sur ce sujet, lady Vin. Je m’y connais très peu en la matière.

— Vous dites toujours ce genre de choses, rétorqua Vin. Mais en réalité, vous êtes un expert sur à peu près tout.

Sazed gloussa.

— Dans ce cas précis, je peux vous assurer que mon ignorance est sincère, lady Vin.

— Mais vous devez bien savoir quelque chose.

— Vaguement, peut-être, admit Sazed. Dites-moi, que ressentez-vous quand vous vous trouvez avec lord Venture ?

— J’ai envie qu’il me serre dans ses bras, répondit-elle tout bas en se retournant sur le côté pour regarder par la fenêtre. J’ai envie qu’il me parle, même si je ne comprends pas ce qu’il dit. N’importe quoi du moment qu’il reste là, avec moi. Je veux devenir quelqu’un de meilleur pour lui.

— Ça me semble très bon signe, lady Vin.

— Mais… (Elle baissa les yeux.) Je ne suis pas celle qu’il lui faut, Sazed. Il a peur de moi.

— Peur ?

— Enfin, au minimum, il est mal à l’aise avec moi. J’ai remarqué son expression quand il m’a vue me battre le jour de l’attaque contre l’Assemblée. Il a eu un mouvement de recul, Sazed, et il avait l’air horrifié.

— Il a simplement vu un homme se faire tuer, répondit Sazed. Lord Venture est quelque peu innocent en la matière, lady Vin. Ce n’était pas vous, je crois – simplement une réaction naturelle face à l’horreur de la mort.

— Quoi qu’il en soit, reprit Vin en regardant par la fenêtre, je ne veux pas qu’il me voie comme ça. Je veux être la fille dont il a besoin – celle qui peut soutenir ses projets politiques. Celle qui peut être jolie quand il a besoin de l’avoir à son bras, et le réconforter quand il est frustré. Sauf que ce n’est pas moi. C’est vous qui m’avez formée à me comporter comme une dame de la cour, Saze, mais vous savez comme moi que je n’étais pas si douée pour ça.

— Et lord Venture est tombé amoureux de vous, répondit Sazed, parce que vous ne vous comportiez pas comme les autres femmes. Malgré l’intervention de lord Kelsier, malgré votre conviction que tous les nobles étaient nos ennemis, Elend est tombé amoureux de vous.

— Je n’aurais pas dû le laisser faire, dit Vin tout bas. Je dois prendre mes distances avec lui, Saze – pour son propre bien. Comme ça, il pourra tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui lui convienne mieux. Qui n’aille pas tuer une centaine de personnes quand elle est frustrée. Qui mérite son amour.

Sazed se leva dans un bruissement de robe et s’approcha de la chaise de Vin. Il se pencha, plaça la tête au même niveau que la sienne et posa une main sur son épaule.

— Oh, mon enfant. Quand cesserez-vous de vous en faire et vous laisserez-vous simplement aimer ?

Vin secoua la tête.

— Ce n’est pas aussi simple.

— Peu de choses le sont. Mais je vais vous dire une chose, lady Vin. Il faut que l’amour soit un échange – sinon, ce n’est pas réellement de l’amour. Un simple attachement, peut-être ? Quoi qu’il en soit, certains d’entre nous sont trop prompts à se poser en martyrs. Nous restons à part, nous observons, en nous persuadant que notre inaction se justifie. Nous redoutons la douleur – la nôtre, ou celle d’un autre.

Il lui serra l’épaule.

— Mais… est-ce bien là de l’amour ? Consiste-t-il à supposer à la place d’Elend qu’il n’a pas sa place à vos côtés ? Ou à le laisser prendre sa propre décision en la matière ?

— Et si je ne suis pas faite pour lui ? demanda Vin.

— Vous devez l’aimer assez pour vous fier à ses souhaits, même si vous ne les approuvez pas. Vous devez le respecter – même si vous pensez qu’il se trompe, ou qu’il prend de piètres décisions, vous devez respecter son désir de les prendre. Même si l’une d’entre elles consiste à vous aimer.

Vin sourit faiblement, mais elle semblait toujours troublée.

— Et puis…, ajouta-t-elle très lentement, s’il y a quelqu’un d’autre ? Pour moi ?

Ah…

Elle se raidit aussitôt.

— Vous ne devez pas répéter à Elend ce que je viens de dire.

— Je n’en ferai rien, promit Sazed. Qui est cet autre homme ?

Vin haussa les épaules.

— Simplement… quelqu’un qui me ressemble plus. Le genre d’homme avec qui je devrais être, moi.

— Est-ce que vous l’aimez ?

— Il est puissant, répondit Vin. Il me rappelle Kelsier.

Alors il y a un autre Fils-des-brumes, songea Sazed. Sur ce sujet, il savait devoir rester impartial. Il n’en connaissait pas assez sur ce deuxième homme pour porter un jugement – et les Gardiens étaient censés transmettre des informations tout en évitant les conseils spécifiques.

Sazed, toutefois, n’avait jamais été très doué pour suivre cette règle. Il ne connaissait effectivement pas cet autre Fils-des-brumes, mais il connaissait en revanche Elend Venture.

— Mon enfant, dit-il, Elend est le meilleur des hommes, et vous êtes nettement plus heureuse depuis que vous êtes avec lui.

— Mais il est le premier homme que j’ai aimé, répondit-elle tout bas. Comment est-ce que je sais que c’est le bon ? Est-ce que je ne devrais pas prêter plus d’attention à l’homme qui me ressemble plus ?

— Je n’en sais rien, lady Vin. Très franchement, je n’en sais rien. Je vous ai prévenue de mon ignorance en la matière. Mais pouvez-vous sincèrement espérer trouver un meilleur homme que lord Elend ?

Elle soupira.

— Tout ça est tellement frustrant. Je devrais m’inquiéter de la ville et de l’Insondable, pas de l’homme avec lequel passer mes soirées !

— Il est très difficile de défendre les autres quand notre propre vie est en proie aux bouleversements, fit remarquer Sazed.

— Je dois simplement prendre une décision, conclut Vin en se levant et en se dirigeant vers la fenêtre. Merci, Sazed. Merci de m’avoir écoutée… et merci d’être revenu en ville.

Sazed hocha la tête en souriant. Vin se précipita de nouveau par la fenêtre ouverte, prenant appui sur un quelconque morceau de métal. Sazed soupira et se frotta les yeux tout en se dirigeant vers la porte de la pièce, qu’il ouvrit.

Tindwyl se tenait de l’autre côté, bras croisés.

— Je crois que je me sentirais plus à l’aise dans cette ville, déclara-t-elle, si je ne savais pas que notre Fille-des-brumes a les émotions versatiles d’une adolescente.

— Lady Vin est plus stable que vous ne le pensez, répondit Sazed.

— Sazed, j’ai élevé une quinzaine de filles, soupira Tindwyl en entrant dans la pièce. Aucune adolescente n’est stable. Certaines le cachent simplement mieux que d’autres.

— Dans ce cas, réjouissez-vous qu’elle ne vous ait pas entendue nous espionner, répondit Sazed. Elle se montre généralement paranoïaque pour ces choses-là.

— Vin a un faible pour les Terrisiens, répliqua Tindwyl avec un geste de la main. Nous pouvons sans doute vous en remercier. Elle semble accorder une grande valeur à vos conseils.

— Ou ce qui en tient lieu.

— Vos réponses m’ont semblé extrêmement judicieuses, Sazed, ajouta-t-elle en s’asseyant. Vous auriez fait un excellent père.

Sazed pencha la tête, gêné, puis alla s’asseoir.

— Nous devrions…

On frappa à la porte.

— Quoi encore ? demanda Tindwyl.

— N’avez-vous pas commandé le déjeuner ?

Tindwyl secoua la tête.

— Je n’ai même pas quitté le couloir.

L’instant d’après, Elend passait la tête à l’intérieur de la pièce.

— Sazed ? Est-ce que je pourrais vous parler un instant ?

— Bien sûr, lord Elend, répondit Sazed en se levant.

— Parfait, dit Elend en entrant dans la pièce d’un pas vif. Tindwyl, vous pouvez disposer.

Elle leva les yeux au ciel, jeta un coup d’œil exaspéré à Sazed, mais se leva et quitta la pièce.

— Merci, déclara Elend lorsqu’elle ferma la porte. Je vous en prie, asseyez-vous, dit-il avec un geste en direction de Sazed.

Ce dernier s’exécuta, et Elend, toujours debout, prit une profonde inspiration, mains serrées dans le dos. Il avait retrouvé ses uniformes blancs et adoptait une posture pleine d’autorité malgré son évidente frustration.

Quelqu’un a volé mon ami l’érudit, songea Sazed, pour le remplacer par un roi.

— Je présume qu’il s’agit de lady Vin, lord Elend ?

— Oui, répondit Elend, qui se mit à faire les cent pas, décrivant des gestes de la main tout en parlant. Je ne la comprends pas, Sazed. Ça, je m’y attends – j’irai jusqu’à dire que je compte dessus. Ce n’est pas juste une femme, c’est Vin. Mais je ne sais jamais trop comment réagir. D’abord elle paraît affectueuse avec moi – comme avant que toute cette catastrophe frappe la ville – et puis l’instant d’après, elle se montre distante et froide.

— Peut-être elle-même est-elle un peu perdue.

— Possible, acquiesça Elend. Mais ne faudrait-il pas qu’au moins l’un de nous deux comprenne ce qui se passe dans notre relation ? Franchement, Sazed, je me dis parfois que nous sommes trop différents pour être ensemble.

Sazed sourit.

— Oh, je n’en suis pas si sûr, lord Elend. Vous seriez surpris de savoir à quel point votre façon de penser est similaire.

— J’en doute fort, répondit Elend, sans cesser de faire les cent pas. C’est une Fille-des-brumes ; je ne suis qu’un homme ordinaire. Elle a grandi dans les rues ; moi, dans un manoir. Elle est intelligente et rusée ; je tire tout mon savoir des livres.

— Elle est extrêmement compétente, et vous aussi, répondit Sazed. Elle a été opprimée par son frère, vous par votre père. Vous détestiez tous deux l’Empire Ultime, et l’avez combattu. Et vous pensez tous deux beaucoup trop à ce qui devrait être, plutôt qu’à ce qui est.

Elend s’arrêta et regarda Sazed.

— Que voulez-vous dire ?

— Que je crois que vous êtes faits l’un pour l’autre, expliqua Sazed. Je ne suis pas censé émettre de tels jugements, et très sincèrement, ce n’est que l’avis d’un homme qui ne vous a guère vus tous les deux ces derniers mois. Mais je crois que c’est la vérité.

— Et nos différences ? objecta Elend.

— Au premier coup d’œil, la serrure et sa clé paraissent très différentes, admit Sazed. Par leur forme, leur fonction, leur conception. Celui qui les regarde sans connaître leur vraie nature pourrait les croire opposées, car l’une est destinée à ouvrir, l’autre à rester fermée. Pourtant, un examen plus approfondi lui révélera que sans l’une, l’autre devient inutile. L’homme averti voit alors que la serrure et la clé ont été créées dans un même dessein.

Elend sourit.

— Vous devriez écrire un livre un jour, Sazed. Ce que vous me dites est presque aussi profond que tout ce que j’ai pu lire dans les livres.

Sazed rougit, mais jeta un coup d’œil à la pile de papiers sur le bureau. Seraient-ils son héritage ? Il ignorait s’ils étaient profonds, mais ils représentaient bel et bien la tentative la plus complète qu’il ait jamais faite d’écrire quelque chose d’original. Si la majeure partie de ces pages contenait effectivement des citations ou références, une grande part du texte recelait également ses pensées et annotations.

— Donc, reprit Elend, que dois-je faire ?

— Au sujet de lady Vin ? Je vous suggérerais de lui donner simplement – ainsi qu’à vous-même – un peu de temps.

— C’est une denrée rare ces jours-ci, Saze.

— Quand ne l’est-il pas ?

— Quand votre ville n’est pas assiégée par deux armées, répondit Elend, dont l’une est menée par un tyran mégalomane, et l’autre par un idiot téméraire.

— Certes, dit lentement Sazed. Oui, vous avez peut-être raison. Je ferais mieux de retourner à mes recherches.

Elend fronça les sourcils.

— Sur quoi travaillez-vous, au fait ?

— Quelque chose qui n’a pas grand rapport avec votre problème actuel, je le crains, répondit Sazed. Tindwyl et moi sommes en train de recueillir et de compiler des références à l’Insondable et au Héros des Siècles.

— L’Insondable… Vin aussi en a parlé. Vous croyez vraiment qu’il pourrait revenir ?

— Je crois qu’il est déjà revenu, lord Elend, dit Sazed. Qu’il n’a jamais disparu, en réalité. Je crois que l’Insondable était – ou est – le nom donné aux brumes.

— Mais dans ce cas, pourquoi…, commença Elend, avant de lever la main. Je lirai vos conclusions quand vous en aurez fini. Je ne peux pas me laisser distraire en ce moment. Merci, Sazed, pour vos conseils.

Oui, un roi en effet, songea Sazed.

— Tindwyl, l’appela Elend, vous pouvez rentrer à présent. Bonne journée, Sazed.

Elend se tourna vers la porte, qui s’entrouvrit légèrement. Tindwyl entra à grands pas, cachant sa gêne.

— Comment avez-vous su que j’étais là ? demanda-t-elle.

— Je l’ai deviné, répondit-il. Vous êtes aussi incorrigible que Vin. Enfin bref, bonne journée à tous les deux.

Tindwyl le regarda partir, pensive, puis se tourna vers Sazed.

— Vous avez vraiment fait du beau travail avec lui, déclara-t-il.

— Du trop beau travail, répondit Tindwyl en s’asseyant. En fait, je crois que si les gens de la ville l’avaient laissé régner, il aurait peut-être trouvé un moyen de sauver la ville. Venez, nous devons nous remettre au travail – cette fois, j’ai vraiment demandé qu’on nous serve le déjeuner, alors nous devrions avancer le plus possible avant qu’il arrive.

Sazed hocha la tête, s’assit et prit sa plume. Cependant, il eut du mal à se concentrer sur son travail. Ses pensées revenaient constamment à Vin et à Elend. Il ne savait pas trop lui-même pourquoi il lui importait tant que leur relation fonctionne. Peut-être simplement parce qu’ils étaient tous deux ses amis, et qu’il souhaitait les voir heureux.

À moins qu’il n’y ait autre chose. Ils étaient tous deux ce que Luthadel pouvait offrir de mieux. La plus puissante Fille-des-brumes de la clandestinité skaa, et le dirigeant le plus noble de la culture aristocratique. Ils avaient besoin l’un de l’autre, et l’Empire Ultime des deux.

Par ailleurs, il y avait la tâche à laquelle il travaillait. Le pronom spécifique employé dans une grande partie de la langue prophétique de Terris était de genre neutre. Bien qu’il ne soit ni masculin ni féminin, on le traduisait généralement par « il » dans les langues modernes. Cependant, chaque « il » de son livre aurait également pu être remplacé par « elle ». Si Vin était réellement le Héros des Siècles…

Je dois trouver un moyen de leur faire quitter cette ville, songea Sazed, pris d’une soudaine révélation. Ces deux-là ne doivent pas être ici quand Luthadel tombera.

Il délaissa ses notes et se mit aussitôt à rédiger une série de lettres.

Le puits de l'ascension
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